L’homme augmenté en Europe

Le transhumanisme contemporain est souvent rapproché de précédents dans l’entre-deuxguerres. Ces rapprochements servent plus qu’à leur tour des vues partisanes et méritaient une enquête plus approfondie. En effet, dans l’espace européen, entre les deux conflits mondiaux, nombre de penseurs ont porté le vœu d’élever l’homme au-delà de sa condition « naturelle » par différentes techniques, que celles-ci modifient les comportements, les corps, ou les aspirations humaines. Des débats ont lieu en France, Angleterre, Italie, Russie, Allemagne, Espagne… Des intellectuels, des scientifiques, des industriels et politiques concourent à l’élaboration de discours qui configurent différemment les rapports entre le politique et le technologique. Ces discours ne se réduisent pas aisément aux catégories bien identifiées de l’« homme nouveau », de l’eugénisme ou du projet d’ordre technocratique. L’« Ultra-humain » de Teilhard de Chardin, le « post-humain » de Julian Huxley, le « super-homme » de Voronoff, le « surhumain » de Jean Rostand, l’homme « minotaure » d’Ortega y Gasset : autant de tentatives pour dire l’homme qui a perdu de son évidence en face de la « machine » et qui par le même et paradoxal mouvement révèle sa « nature » mécanique. En ces temps troublés, l’idée d’un homme augmenté est une idée commune en Europe.

Franck Damour, agrégé d’histoire, est professeur associé à ETHICS (EA 7446) et membre de la chaire Éthique, Technologie et Transhumanisme(s) à l’université catholique de Lille.

Olivier Dard, spécialiste d’histoire politique, est professeur à Sorbonne Université.

David Doat est maître de conférences en philosophie, et actuellement titulaire de la chaire Éthique, Technologie et Transhumanisme(s) au sein du département ETHICS (EA 7446) de l’université catholique de Lille.