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Avoir raison avec ... Bertha von Suttner

Au-delà de son engagement pacifiste, Bertha von Suttner était-elle une féministe ? Pensait-elle que les femmes étaient pacifistes par nature ? Son combat contre l'antisémitisme et contre la guerre avait-il en ligne de mire une émancipation des femmes dans la société ?

Avec

  • Anne-Laure Briatte Maitresse de conférence en histoire et civilisation allemande à Sorbonne Université

On la présente, par facilité, comme la première femme Prix Nobel de la Paix, mais c'est bien davantage en tant que pacifiste qu’en tant que femme qu’elle veut marquer son époque. Il n'empêche, Bertha von Suttner est une femme, dans un monde militant dominé par les hommes. Une femme qui se dresse contre l’institution virile par excellence : la guerre.

Dans son roman Bas les armes !, Bertha von Suttner montrent que les femmes ne sont pas pacifistes par nature. "Cette idée, explique Anne-Laure Briatte, elle la rejette très fermement. Elle a sans doute côtoyé bien trop de femmes, en particulier de la haute société, pour se tromper à ce sujet. (...) Pour Bertha von Suttner, si les femmes ont un intérêt particulier à faire tout leur possible et mettre tous les moyens en œuvre pour éviter le déclenchement de toute guerre, c'est en premier lieu pour préserver leurs proches. Elles aiment leurs maris, leurs enfants, leur famille, leur pays. Et l'idée très chère à Bertha von Suttner c'est surtout de préserver l'humanité tout entière. Car la guerre, pour elle, c'est vraiment la catastrophe, c'est la fin de l'humanité."

C'est au fil de son parcours que Bertha von Suttner est devenue féministe. Célibataire encore à trente ans, obligée de subvenir à ses propres besoins, elle s'arrache à son milieu familial de l'aristocratie viennoise. Elle se marie tardivement avec Alfred von Suttner qui est plus jeune qu'elle, ce qui est impensable à l'époque. "Sa transformation psychologique et son évolution morale majeure se sont faites en France, analyse Anne-Laure Briatte. Ayant rompu tout lien avec son pays, son milieu social, sa famille, elle a dû pratiquement du jour au lendemain travailler pour assurer sa propre subsistance avec son mari. Alors là, elle a dû faire l'apprentissage de l'autonomie (autonomie financière et autonomie intellectuelle), et aussi en termes de prise de position et d'engagement. Et c'est là qu'elle est devenue féministe. Néanmoins, elle n'était pas proche des milieux féministes, ni engagée dans ces mouvements."

Sa mort en 1914 est largement évoquée dans les revues féministes de l'époque. Cependant, ces articles rendent surtout un hommage littéraire à l'auteure de Bas les armes ! et mettent moins en lumière ses engagements multiples pour la paix dans le monde.

A propos de l'invitée :

Anne-Laure Briatte, maîtresse de conférences en civilisation allemande à Sorbonne-Université, autrice de Citoyennes sous tutelle. Le mouvement féministe radical dans l’Allemagne wilhelmienne, aux éditions Peter Lang.

Extraits sonores :

  • Lecture du roman Bas les armes ! de Bertha von Suttner
  • Extrait du film Madame Nobel d'Urs Egger (Condor Distribution, 2014)

 

Type d'intervention : 
Lieu : 

France Culture, Maison de la radio, Paris

Participant(s) : 
Date : 
Vendredi, 4 août, 2023 - 12:00