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Tenir la frontière en période de guerre civile (XVIe-XXIe siècle) - colloque international pluridisciplinaire, mai 2025

Type d'appel: 

Le pôle 3 - Culture(s), langue et imaginaires de l'Unité de recherche Confluence : Sciences et Humanités, l'université Lyon 3 et le LARHA organisent un colloque international pluridisciplinaire "Tenir la frontière en période de guerre civile" les 15 et 16 mai 2025. Un appel à communication est lancé. 

 

  • Présentation du colloque

Dans la nuit du 18 au 19 novembre 1586, la place forte royale de Rocroi tenant la frontière du royaume vis-à-vis des Pays-Bas espagnols dans les Ardennes, est capturée par un parti venu de la principauté de Sedan. Son gouverneur, Christophe de Carbonnières, et une partie de sa garnison sont passés au fil de l’épée. Henri de Guise, gouverneur de Champagne, la ressaisit un mois plus tard après 36 jours de siège. L’action légitime son engagement contre ses adversaires politiques et religieux dans le contexte d’affirmation de la ligue catholique sur fond d’oppositions avec Henri de Navarre. Il se montre par la même occasion comme le principal défenseur du royaume devant le roi Henri III. Cet événement met en lumière la place des frontières extérieures dans un contexte de troubles internes particulièrement graves. Depuis 1562, le pays est en proie aux guerres civiles entre catholiques et protestants et cette situation n’a eu de cesse d’exciter les convoitises des voisins cherchant à tirer profit de l’affaiblissement d’un des plus puissants royaumes du continent européen. Le roi d’Espagne Philippe II le fit en soutenant la cause catholique, par ses armées, par ses diplomates, par son argent œuvrant aussi à entretenir un climat conflictuel au-delà des Pyrénées. En face, les rois de France ont tenté de réagir non sans mal à ses ingérences, d’autant que les frontières du royaume ne demeurent pas en marge des conflits internes. Elles sont des lieux d’échanges économiques et informationnels. Elles sont traversées par les soldats et les mercenaires étrangers mobilisés par les différents partis en lutte. Elles sont les premiers espaces d’ingérences des puissances voisines. Elles s’inscrivent de fait dans la dialectique entre pouvoir central, pouvoirs provinciaux, locaux et extérieurs au prisme de leurs multiples engagements politiques et militaires.

Cette situation n’est pas propre au seul moment des guerres de Religion en France au XVIe siècle. Chaque guerre civile disputée dans le monde est l’occasion d’expériences politiques et violentes où les provinces, les communautés et les familles se déchirent. Tout est susceptible d’être faction. Si les divisons politiques se transportent à l’intérieur de la maison, comme l’écrit Giorgio Agamben, elles touchent effectivement les frontières de l’Etat soumis aux luttes intestines.

Le projet de colloque ici proposé est donc d’étudier la situation des espaces frontaliers interétatiques dans un contexte de guerre civile, ce dernier se définissant par la remise en cause de la légitimité de l’Etat « sinon il ne s’agit que de rébellions, d’émeutes, de troubles »[1]. L’enjeu est de passer d’une frontière à l’autre pour tenter d’envisager les limites territoriales quand le territoire même vient à poser problème. Comment tenir ses frontières en période de guerre civile ? Comment un Etat confronté au risque d’être dissous par ses conflits internes parvient-il, tout en résistant à cette situation, à protéger ses limites, à contrer les ambitions que peut susciter son affaiblissement et à maintenir son autorité sur ses confins et ses marges ? Comment ces mêmes frontières deviennent-elles des objets de lutte internes ?

L’histoire des frontières a fait l’objet d’un vif intérêt depuis plusieurs décennies et l’objet est aujourd’hui bien documenté[2]. De même, les frontières intérieures ont aussi été au centre de l’attention des chercheurs, qu’elles aient été religieuses, partisanes ou régionales[3].  Il s’agira ici de considérer la gestion des limites externes des Etats soumis pour leur part à une guerre civile mobilisant tout ou partie de leurs ressources. Les contextes de guerres civiles sont multiples et chacun se singularise par une histoire politique et militaire qui lui est propre. Les guerres de Religion ou les insurrections régionales au cours de la décennies 1790 sont autant d’exemples pour la France. La guerre de Trente Ans pour les territoires germaniques, la guerre de Sécession aux Etats Unis, la guerre civile mexicaine de 1911 à 1917, la Guerre Civile en Espagne ou celle opposant les rouges et les blancs dans la Russie des années 1920 sont autant de manifestations d’une société divisée qui n’a cependant pas implosée malgré ses conflits. Il en est de même en Amérique centrale, en Asie et en Afrique depuis le milieu du XXe siècle où la guerre civile s’est imposée comme la principale forme de conflit allant jusqu’à créer des Etats faillis où la chute de l’autorité centrale suscite un appel d’air à de multiples acteurs concurrents et déstabilisant. Dans chacun de ces contextes, ces différents pays ont eu à faire face à l’ingérence étrangère, que ce soit par la circulation de troupes sur leur territoire ou le grignotage de leurs frontières. Le cas de la Colombie et plus encore du Liban au XXe et XXIe siècle semble important et paradigmatique dans l’appropriation de leurs frontières par des groupes armés et des interventions extérieures.

Ce projet de colloque se veut comparatiste, entre les périodes, du XVIe au XXIe siècle, et entre les aires géographiques. Il associe l’UR Confluence de l’UCLy, le LARHRA et l’université Lyon 3. Il est pluridisciplinaire en souhaitant réunir des historiens, des politistes, des géographes, des sociologues et des anthropologues. Enfin, il s’inscrit dans la continuité des travaux du Pôle 3 « Culture(s), Langue, Imaginaires » autour des problématiques d’Espace(s) et mouvement(s) : le proche et le lointain après deux colloques internationaux, l’un portant sur « Atiq Rahimi, passeur de frontières », en présence de l’auteur, l’autre interrogeant la frontière naturelle comme un concept à déconstruire.

 

Les communications pourront s’inscrire dans les axes suivants :

1) Pouvoirs et frontières étatiques en guerre civile

Cet axe interroge comment la surveillance extérieure peut être conciliée avec la mobilisation des provinces en conflit. Sur le plan des finances et des hommes, de l’effort de guerre global, le colloque s’intéressera aux arbitrages et aux contraintes qui pèsent sur une frontière, souvent loin des lieux disputés, mais qui reste une limite à contrôler vis-à-vis de l’extérieur. Ceci conduit aussi à questionner l’appréhension du territoire en contexte de troubles intérieurs. Comment penser ses marges et ses périphéries dans un pays où les forces centrifuges ont pris le dessus ?

2) Relations internationales et l’enjeu des frontières en temps de guerre civile

Ce sujet pose aussi la question des relations internationales et des appétits que fait naître un tel contexte. Les partis appellent à l’aide les puissances étrangères et des armées passent allègrement les frontières, armée ensuite qu’il faut renvoyer chez elles, pas la négociation ou par l’affrontement. La frontière est ici poreuse, questionnant la légitimité d’une limite transgressée, la justification d’une circulation militaire qui s’affranchit des cloisonnements territoriaux et ce, dans des contextes où le sens de « frontière » peut être très différent. L’appétit frontalier c’est aussi la conquête et l’empiètement sur le territoire du voisin. Ce comportement n’est pas spécifique aux guerres civiles, mais l’affaiblissement présumé des défenses le stimule et l’encourage. La guerre civile pose alors la question de la fragilité des frontières et des comportements qu’elle induit. 

3) Espaces vécus et espaces d’engagements ?

La micro-histoire est à mobiliser pour approcher la complexité des enjeux frontaliers en temps de guerre civile pour les populations frontalières et les représentants des autorités chargés de tenir la frontière par rapport aux dangers extérieurs et mêmes intérieurs. Ces espaces sont des entre-deux politiques et/ou religieux. Ils connaissent des prises de parti par rapport aux pouvoirs centraux en redéfinissant même leurs liens (sujétion, hiérarchiques, administratifs). Les acteurs et populations cherchent à traverser les épreuves et à survivre en prenant les armes, en mentant, en se déguisant, en commerçant, voire même en se tournant ou en gagnant l’Extérieur.

 

  • Modalités de propositions

Les propositions de communication (en français ou en anglais, avec titre, mots clés et une courte biographie comprenant identité, situation professionnelle, coordonnées et rattachement institutionnel) de 2 500 signes maximum (hors bibliographie) seront envoyées avant le 30 novembre 2024 à l’adresse suivante : frontieres2025@univ-catholyon.fr

Les participations seront confirmées le 31 janvier 2025 au plus tard.

 

Lieu du colloque :

Université catholique de Lyon
10, place des archives – 69002 Lyon

Une publication des actes est prévue

Date : 
Saturday 30 November 2024
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