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AAC - Colloque international : « Dire les violences extrêmes : traductions, verbalisations et figures du silence »

Type d'appel: 

Appel à communications

Colloque international : « Dire les violences extrêmes : traductions, verbalisations et figures du silence »

3-5 juillet 2024, Campus Condorcet / UPEC

SIRICE - IHEAL - imageR

 

Ce colloque vise à proposer de nouveaux éclairages sur l’étude des violences extrêmes au XXe siècle[1], en particulier dans une perspective de genre, et à discuter collectivement de notre outillage conceptuel. Le colloque porte sur les témoignages de violences extrêmes (violences coloniales, les violences de genre, les disparitions, les tortures, les morts de masse et les génocides) dans une perspective pluridisciplinaire et plurilingue. Il s’agit de s’interroger sur les conditions d’émergence des paroles et de leur corollaire, un cadre d’écoute, qui les rend audibles dans une temporalité et un espace social donnés. Le paradoxe d’expériences à la fois intimes et collectives, indicibles et pourtant dites, taboues et largement documentées, est au cœur des réflexions.

Différentes questions nous animent : celle des langages dans lesquels sont dites et traduites les violences, subies et commises ; celle de la posture éthique, scientifique et réflexive des chercheur‧ses de ce champ et enfin celle des contours de la catégorie de violence extrême et des (dis)continuités qu’elle sous-tend, entre temps de guerre et temps de paix, dictature et transition à la démocratie, continuum et exceptionnalité. L’un des objectifs de ce colloque est de décloisonner l’approche d’objets de recherche et de terrains, en partant de cette focale sur la compréhension et les catégories d’intelligibilité des expériences et témoignages de violences.

Le colloque ne limite pas les communications à une seule aire géographique, dans la mesure où la circulation du vocabulaire, des catégories du droit, des pratiques testimoniales et militantes, mais aussi de la connaissance accumulée des expériences violentes depuis la Shoah et l’entrée dans « l’ère du témoin[2] » fait partie des interrogations que nous souhaitons développer.

Différents sous-objets transversaux permettent de décrypter les mises en récit des expériences de violences, subies ou exercées. L’enjeu de la qualification – sociale, juridique – des violences et de leur traduction est l’un des fils rouges. La catégorie d’analyse du genre en est un autre : elle éclaire à la fois les gestes et pratiques des violences, l’émergence d’espaces de parole propres, ainsi que des strates d’invisibilité et les divers obstacles à la qualification. Il s’agit également de replacer les récits au sein du contexte socio-politique qui conditionne ces énoncés, leur horizon de possibles, mais aussi ce qui est rendu dicible et indicible en fonction des références partagées et notamment des processus de production socialisée des souvenirs, dans le sillage des travaux de Maurice Halbwachs[3].

Les communications s’inscriront prioritairement dans un ou plusieurs des quatre axes méthodologiques, thématiques et conceptuels suivants :

  • Axe 1 : Qu’est-ce qui fait l’extrémisme des violences extrêmes ?
  • Axe 2 : Des témoignages aux récits de violences : quels langages et catégories pour dire et traduire les violences extrêmes ?
  • Axe 3 : Violences sexuées et sexuelles
  • Axe 4 : Violences commises et voix des perpétrateurs

Le premier axe vise à interroger la notion même de « violences extrêmes » et de manière plus globale, les catégories employées dans les enquêtes de sciences sociales, qu’elles se basent sur des critères juridiques (crimes de guerre, tortures ou actes de barbarie, crimes contre l’humanité), des critères politiques, sociaux, voire moraux. Qu’est-ce qui sous-tend la qualification comme « extrêmes » de certaines pratiques de violences ? Le contexte, la fréquence ou le volume de ces pratiques, les caractéristiques des acteur‧ices impliqué‧es ou les gestes mêmes ? Quels en sont les enjeux et effets de seuil ? Que signifie parler de « violences extrêmes » postérieurement à la Shoah ? D’autres notions proches pourront être également discutées, comme celle de la « brutalisation » des rapports sociaux[4], afin de discuter des contextes de transition, de persistances et de traces des violences[5]. L’approche par le genre permet particulièrement de travailler la tension entre le continuum des violences de genre et des violences extrêmes, qu’il s’agisse de violences intrafamiliales ou de violences d’État.

Le deuxième axe s’intéresse aux langages et à la fabrique des récits de violences. Il concerne les modalités et les manières de témoigner et de traduire, ou transformer, les témoignages en récits (artistiques, scientifiques, militants, etc.), c’est-à-dire à la fois les contextes d’énonciation, le vocabulaire et les diverses médiations aux témoignages (notamment les traductions et enjeux de l’interlangue, dans l’écriture, au cours d’une enquête ou dans sa restitution). Les manières dont les individus s’approprient différents langages, comme celui du droit, alimentent ces enjeux. Les figures du silence, les ellipses, euphémismes et oblitérations dans les témoignages sont l’une des entrées que nous souhaitons particulièrement développer[6].

Le troisième axe cible particulièrement les violences de genre et violences contre les femmes et minorités de genre (féminicides, tortures, violences sexuelles, stérilisations forcées, vols de bébés…) dans une optique à la fois thématique, visant à documenter des pratiques plus invisibilisées, et conceptuelle, pour comprendre ce que le genre fait à l’étude des violences. Les violences sexuées ne sont pas toujours un objet aisé à saisir, dans la mesure où ce qui fait leur spécificité n’est pas toujours décrit dans les sources. Entre les gestes et leur qualification, s’insèrent des rapports de pouvoir qui influent sur la modestie de nombreux témoignages de femmes. Ces dernières ont en effet tendance à minorer ce qu’elles ont vécu en leur nom pour dénoncer ce qui a été vécu par leurs proches ou par le collectif. Les enjeux de qualification des violences vécues, des sources et des conditions du recueil des paroles[7] sont ainsi cruciaux. Les violences d’État construisent des sujets sexués au travers de violences qui apparaissent dans les témoignages comme des performances de genre. Les féminités et masculinités abîmées par ces violences[8] peuvent ainsi être une entrée pour saisir ces gestes et pratiques.

Le dernier axe creuse une dimension moins documentée du champ, en interrogeant les violences commises et les paroles des auteurs, parfois des autrices, des tortionnaires, responsables de camps de concentration, militaires et policiers, notamment, ou encore collaborateurs civils aux exécutions[9]. Une attention particulière doit être portée ici au cadre de recueil de la parole du perpétrateur (Commissions Vérité et Réconciliation, tribunaux, prisons, parcours de peine, enquête, etc.). Différents espaces, comme le parloir ou le prétoire[10], peuvent ainsi permettre de saisir les paroles des auteurs de féminicides ou de crimes de guerre. Face aux disparitions forcées et à la localisation encore largement lacunaire des lieux d’enterrement clandestins, quel rôle peut avoir la parole des auteurs de violences ? Comment sont-elles à leur tour reçues et utilisées par les victimes ou les organisations qui les représentent ?

Le colloque sera adossé à un atelier méthodologique, visant à échanger collectivement sur les enjeux scientifiques et éthiques liés au recueil, à l’écriture des violences[11] et aux effets en retour sur les chercheur‧ses de ces objets, terrains ou archives.

 

Propositions

Les propositions, d’une longueur maximale de 3000 signes,  doivent être envoyées avant le 10 janvier 2024 à l’adresse suivante : irene.gimenez@u-pec.fr 

Elles peuvent être rédigées en français, anglais, espagnol et allemand. Après expertise, une réponse sera donnée aux alentours du 31 janvier 2024.

Comité d’organisation

Dorothée Delacroix (Université Sorbonne Nouvelle, CREDA) ; Irène Gimenez (UPEC, IMAGER) ; Daniel Meyer (UPEC, IMAGER) ; Fabrice Virgili (Paris 1, Sirice)

Comité scientifique

Anne-Laure Briatte (Sorbonne Université, Sirice) ; Peter Hallama (Université de Berne, Sirice) ; Canela Llecha Llop (Paris 1, Sirice), Stefan Malthaner (Hamburger Institut für Sozialforschung), Elissa Mailänder (Centre d’histoire de Sciences Po Paris), François-Xavier Nérard (Paris 1, Sirice), Soko Phay (Paris 8, EPHA), Mariana Tello Weiss (Universidad Nacional de Córdoba, IDACOR), Mercedes Yusta Rodrigo (Paris 8, Laboratoire d’Etudes Romanes).


 
Date : 
Wednesday 10 January 2024
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