Alice Milor
« Construire l’automobile, conduire l’Europe. Industriels, consommateurs et responsables politiques (1972-1998) »
"Building the automobile, driving Europe. Manufacturers, consumers and politicians (1972 to 1998)"
À travers la fabrique d'une politique européenne pour l'industrie automobile se jouent à la fois l'avenir de cette filière et celui de la gouvernance de l’Europe dans un contexte de mondialisation accrue. Au croisement de la business history et de l’histoire de l’intégration européenne, il s’agit d’analyser les trajectoires mêlées de l’industrie automobile et du projet européen à l’heure où la concurrence des industriels japonais s’intensifie. L’européanisation des politiques automobiles depuis les années 1970 a non seulement influencé le devenir de ce secteur, mais aussi pesé sur le projet européen, contribuant à l’émergence d’une forme de néolibéralisme. Les hauts fonctionnaires européens ont instrumentalisé l’automobile pour forger l’Europe à laquelle ils aspirent, tandis que les constructeurs ont voulu disposer d’une Europe qui servent au mieux leurs intérêts économiques. Ainsi, les différentes parties prenantes ont pu chercher à faire émerger une forme d’identité automobile européenne à géométrie variable, difficile à saisir. Cela soulève la question de la gouvernance européenne, c’est-à-dire la manière dont les parties prenantes – États membres, décideurs européens, industriels, militants associatifs et société civile – défendent leurs intérêts à l’échelle communautaire, entre affrontement et co-construction. Les batailles menées par les lobbies et les négociations secrètes de la Commission, ayant conduit à des accords relevant de la soft law, sans fondement juridique, posent la délicate question du déficit démocratique de l’UE, à l’heure où l’euroscepticisme se renforce et où l’automobile est plus en plus perçu comme un produit qui dégrade l’environnement.
Mots-clés : automobile ; construction européenne ; mondialisation ; Japon ; libéralisme ; lobbying ; environnement ; sécurité routière ; associations de consommateurs ; accord volontaire
Through the making of a European policy for the automotive industry, the future of this sector and that of European governance in a context of increased globalization were at stake. At the crossroads of business history and the history of European integration, the objective was to analyze the intertwined trajectories of the automobile industry and the European project at a time when competition from Japanese manufacturers had intensified. The Europeanisation of automobile policies since the 1970s has not only influenced the future of this sector, but has also had an impact on the European project, contributing to the emergence of a form of neoliberalism. High-ranking European officials have used the automobile to forge the Europe they wanted, while manufacturers have sought a Europe that best served their economic interests. In this way, the various stakeholders have tried to shape a form of European automotive identity with variable geometry, which is difficult to capture. This raises the question of European governance, i.e. the way in which the stakeholders – Member States, European decision-makers, industrialists, association activists and civil society – have defended their interests at Community level, between confrontation and co-construction. The battles waged by lobbies and the Commission's secret negotiations, which have led to soft-law agreements with no legal basis, raise the delicate question of the EU's democratic deficit at a time when Euroscepticism is on the rise and the car is increasingly perceived as a product that damages the environment.
Keywords : automobile; European construction; globalization; Japan; liberalism; lobbying; environment; road safety; consumer associations; voluntary agreement
- « Automotive Suppliers for Sale: French Industrialists and Politicians facing the Japanese Challenge (1974-1986) », Business History Review, 2022.
- « Whose Business Is Road Safety? From a Fragmented to an Integrated Approach in France and Europe (1972-1998) », revue Transfers, vol. 9, n°3, 2020, p. 41-60.
- « Les sous-traitants automobiles français face à la crise : une réponse libérale ? 1981-1986 », revue Histoire, économie & société, n°4, hiver 2019, p. 106-124.
- « Les transformations du lobbying européen des constructeurs automobiles », Encyclopédie d’Histoire Numérique de l’Europe, 2019.
Alice Milor est Maîtresse de conférences à Sorbonne Université. Elle est ancienne élève de l'École Normale Supérieure de Lyon, agrégée d'Histoire et diplômée de Sciences Po Paris – une double qualification, histoire et entreprise, mise à profit dans ses travaux de recherche. Rattachée au laboratoire du SIRICE, Alice Milor est également membre de deux groupes de recherche internationaux spécialisés, le GERPISA et T²M. Elle a intégré en 2021 le comité éditorial de la revue Histoire, Economie & Société, ainsi que le comité éditorial de l'Encyclopédie d’Histoire Numérique de l’Europe (EHNE).